Aborder le thème de la mort sans effrayer, déprimer ni même faire fuir l’auditeur ou le lecteur, relève du défi qui fait la part belle à mon quotidien.
C’est un thème inéluctable qui tôt ou tard fait son apparition dans notre existence, que nous le voulions ou non.
C’est un sujet sérieux et profond qui mérite toute notre attention et qui renvoie aux questions existentielles : qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?
Je ne vais pas développer ici chacun de ces questionnements ni y apporter les réponses qui pour moi ont eu une résonance.
Je vais me contenter de vous renvoyer à vous-même en essayant, par une quête personnelle, de trouver vos propres réponses.
Je vais peut-être, tracer des lignes que vous ajusterez pour construire les formes qui vous correspondent…
La mort est un sujet éternel mais qui pourtant ne paraît être destiné qu’aux autres et dont, dans notre monde actuel, nous tentons de nous éloigner le plus possible (refus de vieillir, refus de « partir »).
Je ne juge pas ; je ne condamne pas ; je constate.
Mais pour comprendre le processus de la mort, nous ne pouvons le dissocier de celui de la vie. La mort n’étant qu’un passage d’un état à un autre…
Les Orientaux et les Occidentaux ne sont pas conditionnés de la même manière à cet égard.
Lorsqu’on demande à un Occidental quel est le contraire de la mort, il vous répond : la Vie – toujours. Mort/vie.
Demandez la même chose à un Oriental, il vous répondra : la Naissance. Mort/Naissance.
Et c’est sans doute là que réside une des clés essentielles vers plus de compréhension.
L’expérience montre que ce qui a un commencement a aussi une fin, à plus ou moins brève échéance, et que ce qui naît meurt. Mais qu’est-ce qui meurt ?
Il serait trop long pour moi de répondre ici à cette question. Mais je vous encourage vivement à chercher ce qui parle. Seule votre propre expérience a une valeur.
Plus vous essayez de comprendre le secret de la vie, tant que vous êtes vivants, plus vous vous rapprochez du secret de la mort. Et si vous comprenez le secret de votre mort, vous comprendrez aussi le secret de la mort, celle de votre mère, de votre père, de votre fils, de votre sœur et de tous ceux qui vous entourent.
La mort reste une inconnue tant que nous nous refusons à faire sa connaissance. Et l’inconnu fait souvent peur…
L’existence est comme un grand puzzle que nous passons notre temps à constituer. La mort n’est qu’une petite pièce parmi tant d’autres, mais ô combien importante dans ce processus qui porte en lui une vastitude qui souvent nous échappe…
Dans ce que nous appelons « accompagnement de fin de vie » ou « accompagnement des mourants », nous avons également tendance à laisser cette tâche entre les mains de gens dits « qualifiés ».
Nous nous sous-estimons dans une fonction qui nous dépasse et pour laquelle nous nous sentons incompétents, alors nous déléguons.
Mais rassurons-nous, s’il y a dans cet accompagnement une part dite « technique » que nous confierons bien volontiers à la médecine, il y en a une autre que nous pouvons mener à bien et qui consiste à être présent. Tout simplement.
Présence à l’autre dans ce que je suis (y compris avec mes doutes et mes faiblesses, mais surtout avec ma force et mes convictions) et reconnaissance de celui qui s’en va et qui me renvoie à mon propre départ.
Les deux êtres peuvent se rencontrer ou se retrouver sur un terrain qui ne nécessite aucun diplôme et qui est celui de l’Amour.
Accompagner veut dire : marcher à côté, être avec.
Ceci je le rappelle, ne requiert que la connaissance de Soi (et c’est déjà beaucoup j’en conviens) qui permet la connaissance de l’autre.
L’unité qui permet les rapprochements dans ces extrémités se nomme l’Amour et rien d’autre.
Sachez que ce moment ultime qui est un départ vers un ailleurs vivant, ne pourra se vivre que dans l’acceptation totale de part et d’autre.
Ne pas retenir celui qui s’en va par de vagues regrets, qui ne sont rien d’autre qu’un apitoiement sur soi-même, mais au contraire lui permettre ce passage dans la sérénité et dans la paix, est une grande preuve d’amour à offrir à ceux que l’on aime, quel que soit leur âge…
La façon dont on meurt est décisive. Elle dépend de bien des éléments. Certains de ces éléments sont inconscients et ne se révèlent qu’à l’instant du décès, mais la façon dont on mourra se prépare.
Aussi, lorsque quelqu’un s’en va auprès de vous, agissez comme vous voudriez que l’on agisse pour vous.
Soyez présents. Ne fuyez pas ce moment essentiel pour l’Etre. L’autre n’est pas dissocié de vous…
N’oubliez pas que nous ne sommes qu’une minuscule particule dans l’infini mais une particule primordiale.
Nous ne sommes que de passage, mais qu’au moins ce passage laisse de nous enfin révélée, l’empreinte de la Compassion, de la Paix, de la Joie et de l’Amour qui nous ont été transmis en héritage depuis… notre origine !
La transformation commence par soi-même.
C’est à ce prix et à ce prix seulement que nous pouvons espérer sauver l’humanité.
Annie Lautner ©
Illustration : Peinture à l’huile – Annie Lautner – “Je prends vos peines et je mets l’Ange” ©