Laisser la plume ou le crayon frotter le silence du papier pour en extraire la lettre embourbée, le souvenir engourdi, le rêve encore enveloppé et retrousser les manches de la mémoire pour ne rien oublier.
S’installer à la table paisible et aligner les mots qui roulent en enjambées poétiques.
Ecouter la feuille qui soulève son rire à l’accueil de l’espoir semé, de la beauté évoquée, de la caresse glissée.
S’emparer d’une image, dessiner un visage, imaginer un corps, décrire une main touchant le ciel avec la même intensité que le peintre qui s’obstine à donner vie à sa toile.
Engendrer, composer, porter, exalter puis déposer l’inespéré mêlé à la transparence de l’aube.
Chercher, fouiller, creuser dans la solitude, toujours en quête d’un miracle sans cesse renouvelé. Apprendre patiemment la terre qui se tait, le ciel qui se mure et le souvenir en miettes.
Regarder le pli de l’encre lancer son filet sur la nudité des mots.
Guetter le sursaut du verbe et le suivre dans son invitation à dire.
Observer le tremblement des signes qui hésitent à frôler les blessures.
Magie de Instant qui imprime sa parole sur la pierre nacrée de l’éternité !
Je tends la main et cueille la légende du voyageur ailé, le mirage du désert dépouillé, l’énigme de la pierre dressée.
Je tisse, brode, coupe ou déchire la trame de la phrase inondée de souvenirs.
Et vient le moment où les vers sortent de mes doigts, fendant le bleu du ciel pour venir s’échouer sur la page reconnaissante.
Flot continue qui ne cessera qu’à la ponctuation finale.
Je relis à voix haute ce chant venu d’un rivage lointain et me remplis de cette promesse tracée.
Une fois de plus, l’éternité m’a livré un peu de son secret…
Annie Lautner ©
Illustration : peinture à l’huile – Annie Lautner – Sur le doux de tes lèvres ©