LES MAINS

Que disent-elles ces mains qui tracent dans l’air étonné leurs arabesques invisibles ?              De quel fil transparent tissent-elles patiemment la tiédeur des jours ?A qui s’adressent-elles quand leur silence même nous parle ?                                                     Quel souffle les anime ?

Autant de questions qui offriront leurs réponses si nous nous laissons toucher par le cœur de ces mains aux paumes généreuses et si nous nous ouvrons au murmure de leurs confidences.

Ces mains attentives qui se tendent et se posent sans impatience, le moment venu. Toujours prêtes à s’ouvrir pour panser les plaies, crever les abcès. Ces mains qui font mal parfois mais pour mieux délivrer.

Et ces autres qu’on dirait faites juste pour la caresse tant leur douceur cherche la nôtre. Partout je les retrouve ces mains que je m’applique à peindre dans leurs multiples contorsions.

Peau diaphane du nouveau-né, solide, rugueuse ou nervurée de l’adulte ou du vieillard, toujours elles me convient au miracle du toucher qui est de capter le spirituel dans la chair même. Elles sont notre histoire. Notre mémoire. Notre miroir aussi. Bien plus que ce qu’elles nous donnent à voir. Au-delà du visible et du perceptible, elles sont.

Elles s’agitent parfois, s’évertuent à la tâche souvent, fouillent, creusent, grattent, retournent l’obscurité ou le ciel vide pour nous libérer d’une incompréhension trop pesante. Elles délivrent du remords en déliant le nœud coulant du reproche. Promptes à soulager, elles calment, pardonnent et réconfortent comme un baume indispensable aux corps meurtris.

Plus amoureuses, elles glissent sur la peau leur mélodie voluptueuse.

Etreignent, enlacent, saupoudrent du bout de leurs doigts, la délicatesse d’un amour naissant.

Fidèles, elles disent tout, même quand les yeux se taisent et que la voix s’éteint.

Elles racontent une vie bien remplie, essuient une larme furtive tombée d’un souvenir lointain, ramassent un rêve échappé du sommeil, suspendent le rire aux étoiles de la nuit.

Patientes, elles défient l’usure du temps car elles savent bien que rien, jamais, ne pourra faire taire ces oreillers de chair sur lesquels des lèvres ont tremblé…

 

Annie Lautner © in Lueurs de Vie – AnAmor éditions 2009

Illustration : Huile sur toile – Annie Lautner – Nos mains se sont dit Oui ©