Etr’Ange

Etrange titre que ce clin Dieu des mots qui met en évidence cette reliance de l’Etre à sa divinité.

Je regarde le ciel et j’interroge : a-t-il une réponse à ce legs du Temps qui remplit nos livres et habite nos mémoires ?

Sait-il d’où vient l’idée que ces grands êtres ailés étendent sur nos têtes leur part de lumière pour dissoudre nos ombres ?

S’entend-il à décrypter ce langage divin, mélange de murmures et de battements de plumes ?

Est-il complice dans cette tentative à nous rendre meilleurs ?

S’il est vrai qu’ils existent, assis sur les marches du ciel, ils ont plus d’un motif à trouver amer le goût de notre terre.

Se poser un instant pour tenter d’apprendre les paysages ruisselants de couleurs, la forêt qui se dresse, le sable remué par les vents, la vague mourant dans le cri du matin.

Apprendre le ciel obstiné par la tâche et l’arbre qui saigne. Le sillon maudit par le froid et la fontaine qui sanglote sur la douleur éclatée. L’hémorragie qui s’étend et la braise égarée.

Où sont les anges dans cet horizon suspendu à la fragilité de l’instant ?

Ils sont dans la main qui témoigne et le regard clément ; dans le sourire qui s’offre et la caresse apaisante. Ils sont dans le chant du feuillage et le rire de l’eau ; dans le volcan éteint et le torrent d’argent. Ils sont ici et là et partout à la fois : dans l’espoir contagieux, dans l’insouciance ordinaire, dans les mots que l’on trempe et dans ceux que l’on tait.

Présents pour celui qui implore comme pour celui qui crie. Ils accrochent le soleil à l’ombre de l’indifférence et posent l’arc-en-ciel sur la fureur livide. Ils déplacent la lune pour bâillonner la nuit et jettent un peu d’azur sur les cendres du jour. Ils expulsent le brouillard et caressent d’une aile complice le doux front du printemps. Ils ne s’éreintent pas à donner inlassablement et croient encore au possible de l’homme. Ils aiment sans attente et font couler sur nous leurs humeurs généreuses.

Ils prennent nos fardeaux, quand trop lourds à porter, nous croulons sous leurs poids. Ils brûlent les épaves de nos illusions tristes au premier lever de soleil.

Ils aspergent de clarté nécessaire la cécité de nos pensées.

Ils lancent des cordes salvatrices sur les sursauts de nos agonies.

Infatigables, ils répètent les gestes qui réparent.

Ils raturent, gomment, corrigent nos erreurs multipliées.

Bercent de leurs chants improvisés nos rêves encore tremblants.

Aucun jugement, aucune faute.

Leur patience nous montre avec Amour nos possibilités encore enfouies.

Alors, quand on n’en peut plus de trop de défaites accumulées et qu’on accepte d’ouvrir un peu la porte pour écouter leur timbre subtil, c’est une grâce rare qui déploie sur nous son infinie tendresse…

Etr’Ange : et si c’était nous ?

Annie Lautner © in Ecouter le Silence (disponible sur le site www.poesie-initiatique.fr)

Illustration : Annie Lautner – Huile sur toile – Etr-Ange ©